Marché automobile au Maroc
Il faut l’avoir vécu pour le comprendre : le marché automobile national a opéré une évolution remarquable depuis la fin des années 90. À l’époque, la petite voiture économique de Fiat faisait office de moteur de croissance, mais ne suffisait guère, à elle seule, à porter le marché du neuf vers des volumes annuels significatifs. Il aura fallu attendre les années 2000 pour voir se dessiner les prémices d’une industrie locale florissante. Le montage local et la nature même des véhicules produits (d’abord des ludospaces, puis des berlines citadines) ont servi sur un plateau d’argent la mobilité à toute une classe sociale assoiffée de mobilité ou plutôt d’accéder à celle-ci.
Marché automobile au Maroc
Porté par un fort besoin en équipement et aussi un accès relativement facilité au financement, le marché du neuf est alors entré dans une phase de maturité il y a bientôt quinze ans. Plus précisément, c’est en 2007 que les ventes de véhicules neufs ont franchi pour la première fois le cap des 100.000 unités. Toute une symbolique . Depuis lors et même lors de la crise de 2008, le curseur n’est jamais redescendu sous ce seuil, poursuivant une croissance quasi-interrompue qui a culminé à 177.359 véhicules nouvellement immatriculés au 31 décembre 2018. Force est de reconnaître que cette année-là, fut celle d’une édition du Salon Auto-Expo, la dernière à ce jour, cette biennale ayant été annulée en 2020 pour une raison que tout le monde connaît (Covid-19). Dans ce contexte de crise liée à la pandémie et le confinement qui s’en était suivi pendant de longues semaines, le marché du neuf s’est replié de près de 20% avec tout juste 133.308 unités vendues, soit un volume similaire à celui de 2015. Rien de décourageant pour le secteur, dont tous les opérateurs ont fait preuve de résilience avec zéro licenciement dans les effectifs et une certaine capacité à répondre promptement à une demande, elle-même en pleine mutation. En effet et du fait d’une digitalisation grandissante dans les mœurs commerciales, il a fallu se plier aux nouveaux impératifs du parcours-client. <:br> Aujourd’hui et à l’image du monde entier qui s’affranchit progressivement de cette dernière crise, le Maroc lorgne vers une croissance multisectorielle à court et moyen termes. Le marché automobile national n’y échappera pas et à moins de vivre une nouvelle crise, tous les ingrédients sont là pour voir celui-ci repartir vers un nouveau cap : celui des 200.000 ventes annuelles. Mieux encore et de l’avis d’un bon nombre d’analystes, le potentiel réel du marché du neuf serait autour de 250.000 unités .
Un taux de motorisation encore faible
Ces deux pronostics chiffrés ont une explication toute simple : le gros besoin des Marocains en équipement automobile. Une donne qui stimule aussi bien les ventes de voitures neuves que celle d’occasion. Actuellement autour de 70 véhicules/1.000 habitants, le taux de motorisation du royaume est bien loin de ce que l’on trouve chez nos voisins européens où il avoisine une moyenne de 600 véhicules/1.000 habitants. Le pouvoir d’achat y est pour quelque chose et alors qu’une bonne frange de la société est constituée de primo-accédants, bien des Marocains n’ont pas encore accès à la voiture et cela, malgré la disponibilité de solutions de financement plus que jamais attractives, mais aussi de véhicules bon marché. Parallèlement à cela, ils sont nombreux au sein de cette catégorie socio-professionnelle à se rabattre sur le véhicule d’occasion (VO). Résultat : les transactions ou mutations de VO représentent plus de trois fois la taille du marché du véhicule neuf . En chiffres et dans le détail, les ventes de VO avaient dépassé les 600.000 unités en 2019, avant de baisser en 2020 (année Covid) à quelque 433.000 unités.
Citadine/SUV/ludospace, la trilogie gagnante
En 2020 comme durant les exercices précédents, le marché du neuf doit son salut à une plusieurs vents ascendants et plus particulièrement, les véhicules montés localement, les subventions apportées au renouvellement du parc des taxis et l’engouement pour certains segments. S’agissant de ce dernier volet, le marché national avait commencé par prendre ce qu’on lui a proposé de plus attractif. Il eut d’abord, la citadine économique turinoise, puis les ludospaces montés à la Somaca, puis la compacte japonaise, puis la micro-citadine coréenne avant de voir l’arrivée et la montée en puissance de la citadine franco-roumaine, dédoublée par sa déclinaison tricorps. Depuis 2010, le marché national n’a fait que suivre une tendance mondiale : celle du SUV, roi de la demande et catégorie automobile la plus prisée par la clientèle avec une part de marché de 29,2% (en 2020). Au Maroc toujours, la citadine vient juste derrière avec 25,3% et reste fortement soutenue par les performances commerciales de trois modèles commercialisés par le groupe Renault et le distributeur de Peugeot. Deux de ces citadines sont produites au Maroc à l’image du ludospace de Dacia qui, lui aussi, booste le ludospace, troisième segment le plus prisé au Maroc (16,8%). À eux trois, ces trois familles de véhicules (SUV, citadine et ludospace) réalisent plus de 71% du marché du neuf .
Grands Taxis, un joli gisement
Dans une moindre mesure, le segment du monospace a lui aussi pesé sur le marché du neuf avec près de 5%. Il s’y est même distingué l’an dernier en étant le seul en croissance phénoménale à trois chiffres (+133%), contrecarrant la tendance en fort repli de la demande générale. Outre le succès d’un best-seller produit à Tanger, ainsi que d’autres modèle également très populaires, le marché du ludospace a profité d’une belle bouffée d’air que constituent les ventes aux taxieurs. Un gisement qui est toujours d’actualité dans la mesure où cette demande s’inscrit fortement dans la sphère de la subvention accordée pour le renouvellement du parc des Grands Taxis. Les ventes de ces derniers se sont chiffrées à quelques 7.130 unités l’an dernier, ce qui correspond à une hausse phénoménale de 233% par rapport à celle de 2019 et ses 2.140 ventes (année qui avait vu l’arrêt de la subvention), mais qui reste un volume inférieur au record vécu en 2016 qui a vu l’immatriculation de 9.700 nouveaux Grands Taxis.
Les débuts de l’hybride, moteur d’un futur proche
Il faudra donc attendre des lendemains meilleurs pour voir le marché du neuf tourner au vert et croître de façon soutenue. Un chantier sur lequel l’AIVAM est très active et en tractations permanentes avec les Pouvoirs Publics. Parmi les dossiers posés sur la table des négociations, citons l’étiquetage écologique ou encore, une prime «Verte». Au demeurant, la longue marche du marché national n’en est qu’à ses débuts dans sa quête d’une croissance durable et le chemin est aussi long que parsemé de nombreux défis. Parmi ces derniers, citons la concurrence implacable du marché parallèle, le passage généralisé d’ici 2025 à la norme antipollution Euro 6 ou encore, l’inversion de la tendance essence/diesel auprès des acheteurs.
En attendant de nouvelles échéances, la demande devrait massivement rester portée sur le diesel, tant que celui-ci restera au catalogue du neuf. Dans la même veine, les Marocains ne vont probablement pas «épouser» les nouvelles tendances liées à l’usage automobile, comme l’auto-partage et le co-voiturage, privilégiant plus l’achat du neuf et à fortiori avec cette grande appétence pour le financement à 0% ou crédit gratuit. Une formule qui pourrait disparaître, au regard du comportement de l’acheteur Marocain continue de changer avec le rallongement de plus en plus de la durée du crédit (sur 52 mois en moyenne). Enfin, le parcours client est lui aussi en pleine évolution avec la digitalisation qui prend du poids dans le processus d’achat, mais aussi lorsqu’il est question de prestations en après-ventes (consultation des tarifs pour l’entretien régulier et les réparations, paiement des taxes). De nos jours, tout ou presque est accessible via smartphone, cet ordinateur de poche qui, lui-même, est en passe de révolutionner l’automobile puisqu’il permettra de se passer d’une clé physique. Verrat-t-on si cela participera ou non à l’essor de l’auto-partage, solution de mobilité à même de permettre aux Marocains d’utiliser un véhicule sans l’acheter. Qui sait, un jour peut-être. En attendant, l’AIVAM sera toujours là et aura fait du chemin pour améliorer la mobilité au Maroc.
Et demain ?
Par type de carburant, c’est toujours le diesel qui arrive en tête avec une part de 92,5%, devant l’essence et ses 6,7%. Présent sur quasiment tous les segments, le gazole est ainsi plébiscité par les automobilistes marocains qui y voient une source d’économie à l’usage et surtout, un précieux sésame pour réussir la revente sur le marché du VO. Or, ces mêmes Marocains qui ne jurent que par le gazole ont tendance à oublier que durant les années 2000, l’idée de rouler au sans-plomb ne dérangeait personne, hormis les très gros rouleurs. Cette décennie-là fut marquée par une forte domination des micro-citadines coréennes qui constituaient le ticket d’entrée à la mobilité sur quatre roues. L’arrivée des petites berlines accessibles montées localement et la disponibilité de moteurs diesel aussi performants qu’économes ont fini par infléchir radicalement la tendance de la demande vers ce carburant dominant. Quant aux voitures hybrides, elles représentent moins de 1% du marché du neuf. Après un petit «pic» de 1.417 ventes en 2019, les hybrides ont tout juste dépassé la barre des 1.000 unités en 2020. Hormis Toyota qui mise sur cette technologie, ce sont surtout les labels premium qui s’y sont mis massivement depuis l’an dernier. C’est le cas de Porsche, Mercedes-Benz et BMW qui proposent toute une gamme de véhicules hybrides rechargeables et font profiter leur client des avantages qu’offre cette technologie, y compris les «cadeaux» fiscaux à savoir, l’exonération de la vignette et de la taxe de luxe. Malgré cela et l’absence de réelles subventions ou incitations étatiques et l’insuffisance des bornes de recharge, le marché des énergies alternatives reste très marginal, au grand regret des partisans de la mobilité durable.